Étude constitutionnelle comparative

Alexandre Germouty

Étude comparative : La gestion et la pratique constitutionnelle de la crise sanitaire en France et au Vietnam

31 Août 2022 Alexandre Germouty Dossier thématique

 

  Étude comparative de la gestion et la pratique constitutionnelle de la crise sanitaire en France et au Vietnam

 

I. Introduction :

 

La pandémie de COVID-19 est devenue l'une des plus graves crises sanitaires de l'histoire de l'humanité, se propageant rapidement à travers le monde de janvier 2020 à aujourd'hui. À travers cette étude nous allons étudier la gestion ainsi que la pratique constitutionnelle de la crise sanitaire en France et au Vietnam. Pour ce faire, il conviendra de rappeler brièvement les contextes sanitaires des deux pays.

 

 

A. Contexte sanitaire en France

 

L'épidémie de Covid-19 s'est propagée comme un feu de brousse en France début 2020 avant d'évoluer par vague en fonction des restrictions comme les confinements (mars-mai 2020, octobre-décembre 2020, avril-mai 2021), couvre-feu, fermetures des restaurants... puis des réouvertures et surtout, de la vaccination. 5 vagues sont enregistrées entre mars 2020 et la fin de l'année 2021, marquées par l'afflux de malades à l'hôpital et en soins intensifs. 

 

La cinquième vague de l'épidémie de COVID-19 a démarré début novembre 2021.

77,5 % des français ont actuellement un schéma vaccinal complet, et environ 300 000 nouveaux cas de coronavirus sont enregistrés par jour. Dans ce contexte inquiétant, le gouvernement mise sur une campagne de rappel. Tous les majeurs sont invités à recevoir une 3e dose. Cette dose de  Rappel conditionnera l'accès au pass sanitaire le 15 janvier 2022.

 

B. Contexte sanitaire au Vietnam

 

Jusqu'au début du printemps 2021, le Vietnam affichait l'une des meilleures résistances de la planète face à l'épidémie de Covid-19. Début mai 2021, le pays avait recensé au total, en 17 mois, moins de 4.000 infections et « seulement » 35 décès liés au coronavirus dans une population de 96 millions d'habitants. Alors que les grandes économies et ses principaux partenaires commerciaux souffraient de contractions record, la nation réussissait à générer une croissance de 2,9 % sur 2020. Toutefois, contaminé à son tour par le variant Delta , le pays affronte depuis cet été une flambée d'infections.

 

En août 2021, alors que le nombre de nouveaux cas quotidiens dépassait 10 000 en moyenne et que les taux d'hospitalisation croissants dépassaient les limites d'un système de santé déjà fragile, le poumon économique du pays, Ho Chi Minh-Ville, et la capitale, Hanoï, se sont retrouvés en état d'urgence et le gouvernement a décidé de déployer l'armée dans le sud du pays afin de faire respecter une loi quasi martiale. 

 

 

II. Les organes compétents pour la gestion de la crise :

 

A. En France

 

En principe, et comme en dispose l' article 34 de la Constitution, le législateur est compétent pour édicter des lois dès lors que celles-ci concernent les garanties fondamentales et les libertés exercées par les citoyen, en temps de crise le législateur a donc la capacité de prendre les mesures adéquates afin d'y mettre un terme.

 

Cependant, en temps de crise, il est aussi primordial d' agir rapidement, et à cet effet le processus législatif peut se montrer insatisfaisant, puisque le texte de loi doit suivre une procédure longue en trois phases que sont le dépôt du texte, l' examen de celui-ci par le Parlement composé du Sénat et de l'Assemblée Nationale, et enfin sa promulgation par le Président, qui peut être accompagnée d'un examen de conformité du Conseil Constitutionnel.

 

C'est pourquoi, afin de répondre à la crise sanitaire provoquée par le coronavirus, la loi d'urgence du 23 mars 2020 a introduit, dans le code de la santé publique, la possibilité d'instaurer un état d'urgence sanitaire. L'état d'urgence sanitaire est une mesure exceptionnelle pouvant être décidée en cas de catastrophe sanitaire, notamment d'épidémie, mettant en péril la santé de la population. 

 

L'état d'urgence est déclaré la première fois par décret en conseil des ministres sur le rapport du ministre chargé de la santé pour une durée maximale d'un mois. Au-delà d'un mois, sa prorogation doit être autorisée par la loi. La loi de prorogation fixe la durée de l'état d'urgence sanitaire. Un décret pris en conseil des ministres peut y mettre fin avant l'expiration du délai fixé par la loi.

 

L'état d'urgence sanitaire autorise le Premier ministre à prendre par décret différentes mesures limitant la liberté des individus ainsi que des mesures permettant de réquisitionner tout bien ou service nécessaire à la lutte contre l'épidémie. Ainsi, contrairement à ce dont dispose l'article 34 de la constitution, qui voudrait que “les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire”, ce régime permet de prendre des mesures réglementaires dont le contenu devrait en principe empiéter sur le pouvoir législatif.

Ces mesures doivent  toutefois être proportionnées aux risques encourus.

Enfin, ce régime autorise le ministre chargé de la santé à prescrire par arrêté motivé toutes les autres mesures qui s'inscrivent dans le cadre défini par le Premier ministre.

 

B. Au Vietnam

 

Au Vietnam, en théorie, l'état d'urgence est proclamé lorsque dans l'ensemble du pays ou dans un certain nombre de localités, il y a une catastrophe grave causée, naturellement ou par l'homme, notamment “une épidémie dangereuse qui se propage à grande échelle, menaçant gravement les biens de l'État et des organisations, la vie des gens, la santé et les biens de la population” selon l’article 1 de l'Ordonnance sur l'état d'urgence.

 

Selon la Constitution vietnamienne, la proclamation et la fin de l'état d'urgence sont décidées par le Comité permanent de l'Assemblée nationale (art 74 al.10 de la Constitution). 

 

L'Assemblée nationale du Vietnam peut adopter des lois dans le cadre d'une procédure abrégée (art 144 al.1 de la Loi sur la promulgation des documents juridiques normatifs). Le Parlement et les autres autorités peuvent généralement suspendre ou restreindre certains droits constitutionnels. 

 

Pour faire face à l’épidémie, les pouvoirs publics ont, lors de la réunion du Comité permanent du gouvernement du 31 mars 2020, déclaré la présence d’une épidémie sur le territoire sans officiellement annoncer l’état d’urgence. 

 

En Août 2021, la situation au Vietnam était si grave qu'une Assemblée nationale fraîchement élue a dû prendre une mesure sans précédent en accordant au Premier ministre un pouvoir d'habilitation de 18 mois. Cette proposition législative n’a pourtant aucun fondement constitutionnel.

 

Cette loi d'habilitation permet au Premier ministre de "décider et d'appliquer" des mesures qui dépassent son autorité constitutionnelle, sont contraires à la loi ou vont au-delà de la loi, avec un contrôle nominal de la Commission permanente de l'Assemblée nationale ("CPAN").

 

 

III. Mesures adoptées pour répondre à l’urgence sanitaire :

 

A. En France 

 

Au regard de l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946, on constate qu’il incombe à L’Etat une obligation positive de protection de la santé publique, cette obligation est précisée au sein de l’article L1411-1 du Code de la Santé Publique qui définit l’étendue de la politique de santé publique menée par l’Etat.  La lutte contre les épidémies en fait partie intégrante, le gouvernement français a donc dû prendre une série de mesures contraignantes afin de freiner la propagation du virus.

 

Ces mesures peuvent avoir un caractère permanent, telles que les obligations vaccinales, ou exceptionnel et temporaire.

 

Tout d’abord, par arrêté du 14 mars 2020 pris par le ministre des solidarités et de la santé il a été décrété qu’afin afin de ralentir la propagation du virus Covid-19, tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert, est interdit sur le territoire de la République jusqu’au 15 avril 2020.

 

Par la suite, le décret du 16 mars 2020 disposera qu’«afin de prévenir la propagation du virus Covid-19, est interdit jusqu’au 31 mars 2020 le déplacement de toute personne hors de son domicile à l’exception des déplacements [pour des motifs strictement délimités], dans le respect des mesures générales de prévention de la propagation du virus et en évitant tout regroupement de personnes » accompagné le lendemain de la création par décret d’une contravention de 4eme classe, en cas de non respect dudit décret.

 

Jusqu’alors les mesures prises étaient uniquement gouvernementales, cependant, en parallèle, un projet de loi est engagé en conseil des ministres, ayant pour but de décréter l'état d’urgence sanitaire. Celui-ci sera décrété par la loi du 23 mars 2020. Un régime d’état d’urgence a pour but de renforcer les pouvoirs des autorités civiles ainsi que de restreindre certaines libertés publiques ou individuelles. En l'occurrence, le régime d'état d'urgence sanitaire donne au Premier ministre le pouvoir de prendre les mesures générales limitant la liberté d' aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberte de reunion  et permettant de réquisitionner tous les biens et services nécessaires afin de lutter contre la menace sanitaire. 

 

Le ministre chargé de la santé bénéficie également de nombreux pouvoirs telles la possibilité de prendre par décret des mesures de mise en quarantaine ou des mesures réglementaires ou individuelles relatives à l'organisation ou au fonctionnement du système de santé. Ces pouvoir trouvent leur base légale dans l'article L3131-1 du Code de la Santé Publique, celui ci constitue une exception à la règle qui veut que les ministres n'ont en principe pas de pouvoir réglementaire général, sauf en qualité de chef de service pour l’organisation de la bonne marche de leur administration ou si un texte leur attribue ce pouvoir.

 

La mise en place de cet état d'urgence sanitaire a donné une base légale à de nombreux confinements et de nombreux couvre feux par la suite tout au long des années 2020 et 2021, cependant, bien que ces mesures aient un intérêt légitime qui justifie que certaines libertés soient sacrifiées, il demeure que certaines mesures frôlent l'inconstitutionnalité, et que les débats autour de ces mesures, notamment le pass sanitaire, ont créé une réelle fracture sociale.

 

 

B. Au Vietnam

 

Pour contrer la quatrième vague de l'épidémie, le gouvernement vietnamien a notamment mis en place deux principales directives : 

 

La Directive 15 :  qui a imposé une distanciation sociale, notamment la suspension des événements sociaux, l'interdiction des rassemblements de 20 personnes ou plus, la fermeture des écoles et une distance minimale de deux mètres entre les personnes dans les lieux publics.

 

La Directive 16 : qui a imposé la fermeture des entreprises non essentielles, l'interdiction complète des rassemblements publics, une politique stricte de maintien à domicile et des services de transport sévèrement limités.

 

Les autorités vietnamiennes ont aussi orienté leurs efforts vers le maintien des activités de production industrielle. Dès juin 2021, il a été proposé aux entreprises industrielles de mettre en œuvre les modèles suivants comme condition d'exploitation :

 

Le modèle dit du "3T" ou "trois sur place", dans lequel les employés doivent travailler, manger et dormir dans l’usine.

 

Ou le modèle dit du "Un itinéraire, deux destinations", dans lequel le transport doit être organisé pour que les employés n'empruntent qu'un seul itinéraire entre le site de travail et un hébergement centralisé (c'est-à-dire un hôtel ou un dortoir).

 

Début octobre 2021, le confinement ultra strict imposé par la directive 16 a pris fin, laissant place à de nouvelles séries de mesures telles que la règle dite des 5K, c’est-à-dire, porter le masque en permanence, respecter une distance de sécurité, se désinfecter dès que possible, éviter les rassemblements, et faire des déclarations de santé en allant dans des lieux publics. 

 

Par ailleurs, les tests antigen se sont démocratisés et sont nécessaires pour voyager d’une province à une autre, et il est indispensable de présenter un “green pass”, l’équivalent du pass sanitaire pour se rendre dans la plupart des lieux publics. 

 

Même si ces mesures de prévention sont assez “classiques” comparées aux autres pays, un véritable problème a frappé le Vietnam durant cette quatrième vague : les règles sont trop nombreuses, confuses, et changent pratiquement d’un jour à l’autre. Alors que l’article 46 de la Constitution affirme que “tout citoyen a le devoir d’obéir à la Constitution et à la loi”, une telle obligation constitutionnelle ne peut être effectivement respectée par ses citoyens lorsque la loi est obscure.

 

La gestion de la crise par les pouvoirs publics a donc mené à une vraie crise des droits et libertés fondamentales pourtant garantis constitutionnellement dans les deux pays.

 

IV. Les droits et libertés fondamentales atteintes par les mesures :

 

A. En France

 

Quel que soit le pays concerné, dès lors qu’une crise éclate se dessine un équilibre entre exercice du pouvoir et respect des libertés, et la France n’y a pas fait exception.

 

Les différents confinements et couvre-feu ont mis à mal la liberté d’aller et venir, la fermeture de certains commerce a généré des inégalités ainsi qu’une entorse à la liberté d’entreprendre, la liberté de réunion s’est vu réduite lorsque des quotas ont été exigé, l’incitation à la vaccination est contraire à la liberté de choisir, et on peut également évoquer le pass sanitaire, matérialisation d’une politique de dépistage et d’enquête sanitaire, qui menace de nombreuses libertés, dont celle au respect de la vie privé ou encore le droit au secret médical.

 

Cependant une situation exceptionnelle nécessite des mesures exceptionnelles, n’importe quelle loi est susceptible de mettre en cause des enjeux constitutionnels, la question est donc de trouver un autre enjeu constitutionnel pouvant la justifier, ici, la protection de la santé publique.

 

En droit français, l’article L. 3131-1 prévoit qu'en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la Santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population.

 

Sur le plan international, l’article 15 de la Convention européennes des Droits de l’Homme reconnaît aux gouvernements des Etats parties dans des circonstances exceptionnelles, de déroger, de manière temporaire, limitée et contrôlée,  à certains droits et libertés garantis par la Convention. 

 

On constate donc qu’il est possible, dans le contexte de lutte contre l’épidémie, de prendre des mesures contraires à certaines libertés, puisque ce genre de crise nécessite une série d’action adaptées et surtout rapides, mais celles-ci sont tout de même contrôlée puisqu’elles doivent être proportionnées, appropriées dans le lieu mais également dans le temps, c’est à dire qu'elles doivent prendre fin lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Le pouvoir peut donc être laissé entre les mains de peu d'individus lorsque la situation l'exige, mais il est rassurant de savoir que dans un Etat de droit, il existe des organismes indépendants qui examinent si ces mesures sont bien proportionnées.

 

B. Au Vietnam

 

Au Vietnam, la Constitution prévoit des dispositions de dérogation des droits et libertés fondamentales en son article 14 alinéa 2nd : “pour des raisons de défense nationale, de sécurité nationale, d'ordre et de sécurité sociale, de moralité sociale et de bien-être de la communauté”. Les différentes directives adoptées par le gouvernement ont notamment limité la liberté d’aller et de venir prévue par l’article 23 de la Constitution. En effet, en raison du confinement, ou des règles contraignantes pour se rendre d’une province à l’autre, la liberté de déplacement s’est trouvée grandement atteinte. Par ailleurs, les frontières vietnamiennes sont strictement fermées depuis le début de l’épidémie.

On peut toutefois affirmer sans risque que les mesures prises pour restreindre la liberté de circulation au Vietnam dans le contexte de la pandémie de COVID-19 sont raisonnables et conformes à la légalité, la nécessité et la proportionnalité énoncées dans les Principes de Syracuse sur les dispositions de limitation et de dérogation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques signé et ratifié en 1982 par le Vietnam.

En outre, la mise en place de déclaration de santé et d’un pass vaccinal vert touche directement au droit au respect de la vie privée prévu à l’article 21 de la Constitution de 2013.

Par ailleurs, les mesures restrictives prises par le gouvernement ont également touché à la liberté fondamentale de religion protégée par l’article 24 de la Constitution. En effet la directive 16 adoptée par le Premier ministre prévoyait la fermeture des lieux jugés “non essentiels”. Selon cette mesure, les pratiques religieuses publiques n’étaient pas considérées comme des activités essentielles, et les rassemblements pour ces activités n’étaient alors pas autorisés. Même si la nécessité d’une telle restriction d’une liberté fondamentale est facilement compréhensible pour permettre le contrôle de l'épidémie, la légitimité du gouvernement pour juger de ce qui est indispensable ou non l’est un peu moins. En effet, la fermeture des lieux de culte a été délicatement appréhendée par le peuple vietnamien qui est dans sa grande majorité très croyant. La restriction des libertés fondamentales, bien que nécessaire, a entraîné des conséquences politiques considérables au sein des deux pays, qu’il revient d’étudier. 

 

V. Les conséquences constitutionnelles de la crise sanitaire

 

A. En France 

 

D’après le Conseil d'Etat, un régime d’exception a pour vocation de rester temporaire, puisqu’il a pour objet l’unique résolution de la crise en cours. C’est pourquoi tous les régimes d’exceptions ont un cadre légal fixant leur durée,  les modalités de reconduction. et la fin de leur application, en est un parfait exemple l’article 16 de la Constitution donnant les pleins pouvoirs au président de la République lorsque les conditions d’application de cet article sont réunies.

 

On constate qu’en cas de durée prolongée d'état d’urgence, celui-ci nuit particulièrement aux libertés individuelles et à l’Etat de droit. Dans la même logique, les mesures entrées en vigueur pendant le régime d’exception ne doivent pas rester dans le droit commun une fois le régime levé. Cependant, on a constaté que lors de l’état d’urgence de 2015, des textes tels que la loi renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure de 2017 sont resté dans le droit positif, et ce car bien qu’objectivement la menace n’existe plus, elle reste subjectivement perçue comme tel par les citoyens, et cette perception justifie des prorogations répétées ou des inscriptions dans le droit positif de certaines dispositions. En l’occurrence, de nombreux juristes craignent que certaines mesures restrictives soient transposées dans le droit positif suite à l’épidémie, ou encore qu’à l’avenir il soit plus simple que celle-ci soit tolérée.

 

B. Au Vietnam

 

Malgré le succès de la Directive 16, plusieurs juristes se sont inquiétés du fait que les mesures prévues par cette directive dépassaient l'autorité d'un Premier Ministre. À cet égard, la Constitution réserve exclusivement au Président le pouvoir de fermer les frontières et de suspendre les divertissements publics et les transports dans le cadre d'une situation d'urgence formelle, qui doit être approuvée par le CPAN ou l'Assemblée nationale.  

 

Le Premier ministre pourrait désormais déployer des mesures aussi strictes que celles disponibles uniquement dans le cadre d'une situation d'urgence formelle, que la Constitution accorde exclusivement au Président, sans aucun souci de révision constitutionnelle ou de contrôle par l'Assemblée nationale. 

 

Bien qu'il s'agisse en théorie d'une mesure juridique sans précédent, la réalité est que le Premier ministre (et son prédécesseur) a toujours joui de tels pouvoirs depuis mars 2020, lorsque le premier cas est apparu au Vietnam. Le succès de l'endiguement du Viêt Nam est attribuable à une directive 16 de l'ancien Premier ministre, efficace mais qui reste problématique du point de vue constitutionnel. Certains juristes redoutent la montée d’un Premier ministre trop puissant qui viendrait rompre l’équilibre et la hiérarchie des pouvoirs publics.

 

 

VI. Conclusion

 

On peut retenir un bilan assez similaire sur la gestion constitutionnelle de la crise par les deux pays, la grande différence se trouve dans les valeurs fondamentales des deux pays : là où le peuple vietnamien agit pour la patrie et pour le collectif, le peuple français est un peu plus individualiste comme le prévoit notamment l’article 15 alinéa 4 de la Constitution vietnamienne "l'exercice des droits de l'homme et du citoyen ne peut porter atteinte aux intérêts nationaux et aux droits et intérêts légitimes d'autrui”. Les vietnamiens se sont généralement rapidement conformés aux multiples mesures prises par le gouvernement en faisant preuve de civilité afin de défendre collectivement sa nation. Le Vietnam a rapidement rattrapé son retard sur la vaccination et le peuple vietnamien est discipliné, facilitant ainsi la mise en œuvre des mesures gouvernementales de prévention sanitaire. Là où la France souffre d’un peuple très méfiant à l’égard des acteurs politiques, avec un pourcentage non négligeable de personnes diffusant des fake news à l’égard de la vaccination aggravant alors la situation sociale et politique de la nation.

 

 

Alexandre GERMOUTY

Président de l'AJAI de 2021 à 2022

 


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