Vietnam : Nouvelle loi sur l'investissement
Le gouvernement vietnamien a entrepris un programme de réforme de grande envergure pour attirer plus d'investissements étrangers au Vietnam, réforme qui pourrait changer l'environnement entrepreunarial. En effet, une nouvelle loi sur l'investissement et une nouvelle loi sur les entreprises ont été adoptées le 26 novembre 2014, et entreront en vigueur à partir du premier juillet 2015. En attendant, les loi sur l'investissement et sur les entreprises de 2005 restent applicables.
Le présent article sera dédié exclusivement à l'étude de la loi sur l'investissement de 2014 (qui dans cet article, sera désigné par le terme "nouvelle loi"). La nouvelle loi sur l'investissement prévoit les règles quant aux procédures à suivre pour investir au Vietnam, telles que les droits et obligations des investisseurs, les mesures d'incitation à l'investissement, l'enregistrement et l'évaluation des projets d'investissement.
De ce point de vue, il convient de se demander quels sont les changements que va apporter cette nouvelle loi quant aux investissements au Vietnam, et quels pourraient être leurs impact sur l’attractivité du Vietnam.
Pour ce faire, il est nécessaire dans un premier temps d'exposer les modifications apportées par la nouvelle loi d'une manière générale. Puis, dans un second temps, il conviendra de s'intéresser aux nouvelles procédures d’enregistrement .
I-Champ d'application de la nouvelle loi sur l'investissement
·Nouvelle définition du concept « d’investisseur étranger » et introduction du nouveau concept d’ « organisation économique avec du capital étranger » :
En vertu de l’article 3 de la Loi sur l’investissement actuellement en vigueur, un investisseur étranger se définit comme une entité ou un individu utilisant du capital pour réaliser un investissement au Vietnam. Or, cette définition fut la source de nombreuses confusions quand à la question de savoir si le pourcentage de capital détenu par un investisseur étranger doit etre pris en compte, ou si un investisseur étranger réalisant un tel investissement lui permettant de détenir à peine 1% du capital devait tout de meme être qualifié d’investisseur étranger.
La nouvelle loi sur l’investissement semble avoir remédié à ce flou, en introduisant en son article 3.14 une définition clarifiée et simplifiée : ainsi, la nouvelle loi définit l’investisseur étranger comme tout individu ou organisation étranger(e) créé conformément à une loi étrangère. Cette nouvelle définition devrait permettre de dissiper les incertitudes quand à la qualification d’un individu ou d’une organisation en tant qu’investisseur étranger.
D’autre part, la nouvelle loi remplace le concept « d’entreprise avec du capital étranger » par un tout nouveau concept, soit le concept « d’organisation économique avec du capital étranger ». Hormis la complication du terme, cette nouvelle définition créé de nouveaux problèmes pratiques, tout comme l’ancien concept d’investisseur étranger telle que défini dans la loi actuelle l’avait fait avant elle, avant d’être redéfini dans la nouvelle loi. En effet, l’absence de précisions quand au pourcentage de capital détenu par un investisseur étranger conduisant à qualifier l’entreprise d’investisseur étranger risque de poser des problèmes considérables en pratique, puisque la détermination du régime applicable dépend notamment de cette qualification.
·Diminution du nombre de branches d’activités interdites ou conditionnelles :
L'article 6 de la nouvelle loi diminue sensiblement le nombre d'activités interdites, le faisant passer à 6, alors qu'elles sont actuellement au nombre de 51[i]
En ce qui concerne les activités conditionnelles, la nouvelle loi en prévoit 267, contre 391 à l’heure actuelle.
Il faut noter que les domaines dans lesquels l’investissement est interdit ou conditionnel sont définis dans la nouvelle loi sur l’investissement en terme d’activités, et non plus de secteurs, ce qui permet une meilleure délimitation de ces secteurs, et une meilleure sécurité pour les investisseurs, l’activité étant par définition une notion plus restrictive que celle de secteur.
De plus, les activités interdites dans la nouvelle loi étant des activités dangereuses ou pouvant porter une atteinte à l’ordre public, il semble légitime que celles-ci aient été interdites.
Malgré tout, de nombreux domaines d’activités ont été ouverts aux investisseurs, grâce à un changement d’approche de la définition des activités interdites aux investissements étrangers ou conditionnelles .En effet, en vertu de l’article 4.1 de la loi actuelle sur l’investissement, seuls les investissements dans les secteurs qui ne sont pas interdits par la loi sont autorisés. Or, la majorité des secteurs étant listés comme interdits par la loi, l’interdiction ou la soumission à une autorisation semble être la règle. Au contraire, dans l’article 5.1 de la nouvelle loi, l’interdiction devient l’exception, alors que l’autorisation des investissements devient la règle. Un tel renversement de perspective apparaît bienvenu, en ce qu’il permet au droit de l’investissement vietnamien de s’aligner sur les principes consacrés par la récente réforme de la constitution du Vietnam, qui , rappelons-le, a consacré le droit des individus de faire des affaires dans tous les domaines qui ne sont pas spécifiquement et explicitement interdits par la loi.
· En ce qui concerne la distinction entre les investissements directs et indirects et les conséquences d’une telle distinction :
En vertu de l’actuelle Loi sur l’investissement[ii], il existe une distinction entre investissements indirects et investissements directs, et le régime qui leur est applicable. Ainsi, un investisseur souhaitant réaliser un investissement direct devra suivre une procédure spéciale pour la mise en œuvre de son projet, alors qu’un investisseur souhaitant investir de manière indirecte ne devra pas conformer aux dispositions de cette loi, mais à celles de la « Law on securities » de 2006, qui est la loi régissant les investissements locaux.
Ainsi, on comprend donc que la qualification d’un investissement en tant qu’investissement direct ou indirect emporte des effets non négligeables, puisque le régime juridique applicable ne sera pas du tout le même suivant la nature de l’investissement. En effet, les investissements qualifiés de directs sont soumis à une procédure plus stricte et complexe( incluant notamment une procédure d’enregistrement et d’évaluation des activités d’investissement), en ce qu’ils devront non seulement être soumis aux dispositions de la Loi sur les entreprises comme le sont les entreprises locales, mais également à la Loi sur l’investissement, et plus précisément, au chapitre 6 de ladite loi ( qui, d’après les termes employés dans son titre, ne s’applique qu’aux investissements directs), ce qui ne sera pas le cas pour les investissements indirects, qui pour leur part devront seulement se soumettre au dispositions de la « Law on securities »( cf article 26 LOI)
En ce qui concerne le critère de distinction entre ces deux catégories d’investissements[iii], celui-ci porte sur la nature directe ou indirecte de la participation de l’investisseur à la conduite des activités de l’entreprise objet de l’investissement.
Malheureusement, la Loi sur l’investissement ne donne pas plus d’informations quand au niveau de contrôle requis pour déterminer si la participation de l’investisseur est directe ou indirecte, qui dès lors semble pouvoir etre apprécié subjectivement. En d’autres termes, la loi ne prévoit pas de critère objectif pour qualifier un investissement comme étant direct ou indirect, ce qui est véritablement problématique pour les investisseurs étrangers, puisque, dès lors, ceux-ci ne savent pas exactement dans quels cas ils devront ou non se conformer aux dispositions de la Loi sur l’investissement. En effet puisque l’élément permettant de différencier les investissements directs des investissements indirects n’est pas clairement défini, le choix de soumettre ou non une compagnie dans laquelle un investisseur étranger détient une part minime de capital semble être laissé à la discrétion de l’Administration, une telle solution conduisant à des confusions et des inconsistences indéniables.
Cependant, la nouvelle loi, en son article 23.1, n’utilise plus une telle distinction afin de décider quel projet d’investissement nécessite préalablement à sa mise en œuvre l’obtention d’un certificat d’investissement (la terminologie ayant été modifiée dans la nouvelle loi, puisqu’il sera question d’IRC et non plus d’IC). En effet, le nouveau critère de distinction repose désormais sur le pourcentage de capital détenu par l’investisseur étranger, et dorénavant, seuls les investissements directs étrangers de plus de 51% du capital social de la compagnies seront régis par la loi sur l’investissement. Les autres investissements étrangers, qu’ils soient indirects ou directs mais sans atteindre plus de 49% du capital social, seront soumis aux mêmes procédures que les investisseurs locaux.
Ainsi, l’un des changements clés introduit par la nouvelle Loi sur l’investissement est de remplacer l’ancienne distinction entre investissement direct et indirect par un critère plus objectif et fiable, basé sur le pourcentage de capital détenu par un investisseur étranger, pour distinguer les sociétés dont une part du capital a été investi par un investisseur étranger qui doivet etre considérées comme des sociétés étrangères, de celles qui doivent être assimilées aux compagnies domestiques.
Ainsi, un tel changement de perspective a des conséquences pratiques indéniables, en ce que, si une société dont le capital est détenu par des investisseurs étrangers est traitée de la même manière qu’une société locale, elle pourra être soumis au même régime légal. Ainsi, cette innovation pourrait aboutir au développement des holdings au Vietnam, en encourageant les investisseurs étrangers à investir dans plusieurs compagnies locales à hauteur de 51% du capital social.
II- Les nouvelles procédures d’enregistrement des investissements : « procedures of implementation »
·Réduction du nombre de projets d’investissement soumis à l’obtention d’un certificat d’investissement et délivrance suivie et rapide dudit certificat :
La nouvelle Loi, en son article 36, consacre l’abolition des certificats d’investissement pour un grand nombre de sociétés détenant une part de capital étranger, et pour l’intégralité des sociétés locales. Ainsi, le montant du capital investi n’est plus pris en compte dans la détermination du régime de constitution des sociétés qualifiées de locales. Leur régime a ainsi été unifié.
Conformément à la loi sur l’investissement actuellement en vigueur, les sociétés locales ne sont pas soumises au même régime que les sociétés considérées comme des investisseurs étrangers. Ainsi, alors que l’ensemble de ces dernières sont soumises à la meme procédure, qui leur impose d’obtenir un certificat d’investissement, et ce quel que soit le montant de leur capital social ( d’après l’article 46 de la loi actuelle), les sociétés locales, quant à elles, sont soumises, en ce qui concerne la procédure de constitution, à un régime qui dépendra du montant de capital investi.
En ce qui concerne les investisseurs étrangers, la nouvelle version de la loi sur l’investissement adoptée en 2014, dispose, en son article 37, qu’à partir de son entrée en vigueur, l’IRC ne sera requis que pour les projets d’investissements dans les secteurs conditionnels. Les autres projets pourront ainsi être constitués sans avoir à obtenir préalablement un IRC. Cela signifie que la plupart des investisseurs étrangers pourront dès lors établir une société au Vietnam de la même manière que tout investisseur vietnamien, c’est-à-dire par la procédure d’immatriculation visant à obtenir un BRC. Ainsi, selon la loi de 2014, toutes les sociétés devront obtenir un BRC . De ce fait, les entreprises dont le capital est majoritairement détenu par un investisseur étranger devront non seulement remplir le dossier pour obtenir un IC, mais également celui visant à obtenir un BRC. A première vue, on pourrait penser qu’une telle nécessité d’obtenir non plus un, mais deux certificats risque d’etre une complication en terme de coûts et de temps pour les investisseurs étrangers concernés. Mais en réalité, une telle affirmation doit être tempérée, en ce que, lorsque une information relative à la société devra être modifiée, ce n’est plus la lourde et longue procédure d’amendement de l’IRC qu’il faudra suivre, mais celle du BRC.
Quant à la possibilité pour une société dont le capital est minoritairement détenu par un investisseur étranger d’être constituée sans avoir à obtenir un IRC pour valider son projet, il est possible de penser qu’une telle réforme aura pour conséquence le développement des Holdings au Vietnam, concept qui n’a pas encore été largement reconnu au Vietnam.
De plus, en ce qui concerne les sociétés pour lesquelles un certificat d’investissement sera encore requis, le délai dans lequel celui-ci devra être fourni par l’Administration a été réduit à 5 jours à partir de la date de soumission. Mais malgré cette diminution dans le texte du délai de délivrance du certificat, seul l’avenir nous dira si, en pratique, ce délai sera réellement respecté par l’Administration. En effet, à l’heure actuelle, un délai est déjà prévu dans la loi de 2005, mais aucune sanction n’est prévue pour la violation de ce délai. Il aurait donc été judicieux d’imposer que, passé un certain délai après la date de soumission, il devrait être présumé que le silence de l’Administration vietnamienne vaut acceptation.
·La nouvelle procédure à proprement parler :
L’ancienne loi, pour identifier la procédure d’enregistrement applicable, distingue les investissements directs des investissements indirects. La nouvelle Loi sur les entreprises distingue quant à elle suivant les formes suivantes :
-Pour les investissements sous forme de constitution d’une société au Vietnam :
Avant de s’immatriculer, un investisseur étranger souhaitant constituer sa société au Vietnam doit justifier d’un projet d’investissement lorsque celui-ci est requis, et doit suivre les procédures d’immatriculation suivante :
§Obtenir un accord de principe pour l’investissement du Comité des gens (CDG) de la province, Premier ministre, ou Assemblée nationale dans le cas où l’investissement porte sur un gros projet ou un projet pouvant avoir des effets sociaux-économiques significatifs, tels que définis dans la nouvelle loi. Le délai légal de délivrance de l’approbation de principe de l’investissement du comité provincial des gens est de 35 jours.
§Obtenir, dans le cas où l’investissement projets est localisé en dehors d’une zone spécial, le certificat d’investissement du Département du Plan et de l’investissement (DPI) de la province, ou le comité de gestion de la zone économique spéciale pour les projets prévus sur ces zones (zone industrielle, zone d’exportation, zones highy-tech et zones économiques). Le délai légal pour la délivrance est de 5 jours ouvrables pour les projets d’investissement s’étant déjà vu délivré un accord de principe , ou 15 jours pour les autres.
Une fois le certificat d’investissement obtenu, les investisseurs étrangers doivent également obtenir le certificat d’enregistrement de l’entreprise. Le délai légal pour son obtention est de 3 jours ouvrables
-Pour les investissements sous forme d’apport en capital, ou d’acquisition d’actions dans une société établie au Vietnam (“Acquisition”) :
Les investisseurs étrangers doivent enregistrer l’acquisition de l’action avec le DPI de la province dans tous les cas énumérés ci-dessous, un tel enregistrement devant avoir lieu avant la réalisation de la procédure de changement d’actionnaire/ associé :
§L’acquisition se produit au sein d’une société dont les activités sont des activités considérées comme conditionnelles pour les investisseurs étrangers ; ou
§Suite à l’acquisition, la société doit être requalifiée en « investisseur étranger » (cas où l’investisseur étranger détient plus de 51% du capital de ladite société)
Si l’acquisition ne correspond à aucun des cas exposés ci-dessus, l’investisseur étranger devra seulement suivre les procédures de changement d’actionnaire/ associé.
Le délai maximum légal pendant lequel le DPI de la province pour notifier son accord à l’opération d’acquisition d’action est de 15 jours.
-Pour les investissements sous forme de contrats de coopération ( PPP ou BCC) :
Les règles applicables sont maintenant détaillées dans les article 27 et 28 de la nouvelle loi.
Pour un contrat de coopération dont l’une des parties est un investisseur étranger ( donc lorsque le contrat est signé par un investisseur étranger et un investisseur vietnamien, ou bien entre deux investisseurs étrangers) , un IRC devra etre obtenu.
Il faut également noter que le nombre de contrats de coopération a été étendu par la nouvelle loi, qui en a consacré de nouvelles formes, et a précisé leur régime juridique.
-Nouvelles règles d’obtention du certificat d’investissement pour les investissements sous forme d'opération d'acquisition (fusaq) :
En vertu de l’article 26 de la loi actuelle, dans le cas un investisseur étranger ou une entreprise à capital étranger réalise une opération d’acquisition dans un projet d’investissement soumis à conditions , ou détient plus de 51 % du capital de la société-cible, alors, ladite opération d’acquisition doit être enregistré auprès du DPI où la société-cible est située/ implantée. Dans les autres cas, l’opération de fusion peut etre réalisée en respectant uniquement le régime juridique prévu par la Loi sur les entreprises.
Dans la loi de 2015, d’après l’article 195, un tel certificat n’est plus requis, il faudra juste demande un accord, déposer un formulaire contenant des informations sur la société, et on passe donc d’une logique d’évaluation à une logique de déclaration.
Pour la première fois, la loi vietnamienne régissant les investissements étrangers prévoit une approche en leur faveur, changement d’approche qui, espérons-le, pourra permettre une nouvelle vague d’investissements étrangers au Vietnam. Une telle réforme va probablement être bienvenue pour les investisseurs, d’autant plus qu’elle se veut compatible avec les formes de Holding et M&A. Cependant, il reste à voir dans quelle mesure une telle réforme aidera le bébé tigre asiatique vietnamien potentiel à rugir.
[i] en vertu de l’article 30 de loi actuelle, complétée par l’annexe D du décret gouvernemental No. 108/2006/ND-CP du 22 Septembre 2006
[ii] Article 26
[iii] Article 3.2 and article 21.5, article 3.3 and article 26