La gestion de la crise sanitaire au Vietnam
Si le Vietnam n’a pas brillé sur la scène internationale lors des jeux olympiques d’été au Japon de 2021, il y avait pourtant un domaine dans lequel le Vietnam était imbattable : celui de la gestion de la crise sanitaire du Covid-19 sur son territoire. Jusqu’en avril 2021, le Vietnam avec ses 96 millions d’habitants avaient réussi un exploit international puisqu’aucun cas de décès dû au Covid-19 avait été recensé. Par une gestion exemplaire du gouvernement, le pays ne comptait que 270 cas après plus d’une année de lutte face à la pandémie. En outre, l’efficacité du gouvernement vietnamien avait permis la survie de l’économie du pays. En effet, alors que le monde entier subissait les multiples inébranlables vagues de l’épidémie durant l’année 2020, le Vietnam, quant à lui, était parvenu à accroitre sa croissance économique de 2,3%. De tels exploits plaçait le Vietnam comme grand vainqueur de cette crise mondiale et ce particulièrement dans la région d’Asie du Sud-Est. L’économie du Vietnam est l’une des seules à ne pas avoir connu un seul mois de croissance négative durant l’année 2020. La pire croissance enregistrée aura été celle du deuxième trimestre qui a été de 0,36%.
I. Une gestion internationalement exemplaire
Ce considérable succès a surpris le monde entier. En effet, outre la frontière de plus de 1000km partagée avec la Chine, le ratio du nombre de lits d’hôpital pour 1000 habitants est bien plus bas que dans les pays européens : 2,6 contre 8 en Allemagne. Le Vietnam n’était donc pas prédisposé à s’imposer comme le grand gagnant de la crise mondiale, alors quelles sont les raisons de son succès ?
Tout d’abord, le pays a immédiatement pris la menace du Covid-19 au sérieux en fermant strictement, dès le début de l’épidémie, sa frontière avec la Chine. L’anticipation de la gravité de la situation par le gouvernement vietnamien l’a très rapidement conduit à adopter des mesures difficiles, telle que l’instauration d’une quarantaine obligatoire imposée à tous ceux qui souhaiteraient entrer sur le territoire. De plus, le Vietnam le second pays, après la Chine, à soumettre l’une de ses villes à une mesure de confinement suite à la détection de cas positifs dans la commune de Son Lôi. Contrairement à aux pays européens, le Vietnam a toujours misé sur la prévention, en prenant des mesures ciblées au moindre risque signalé. Lorsqu’un individu est testé positif (appelé F0), Lorsqu’une personne est testée positive (appelée F0), une liste est établie de toutes les personnes qu’elle a rencontrées. Ces dernières (dénommées F1), sont envoyées immédiatement en quatorzaine dans des centres fermés – casernes, hôtels et immeubles collectifs réquisitionnés à cet effet – ou dans leur propre logement si possible. Elles sont systématiquement testées et doivent à leur tour prévenir les personnes avec lesquelles elles ont été en contact. Ces dernières (F2) devront quant à elle respecter la distanciation sociale et si possible se confiner chez elles 14 jours. Si l’un des F1 est testé positif, il devient F0, et le processus se réplique : les F2 deviennent F1 et la recherche des nouveaux F2 est lancée, etc.
L’avantage de ce système était que même les personnes potentiellement asymptomatiques ou ayant des tests négatifs (le taux d’échec des tests est de 30 % environ) sont confinées lorsqu’elles ont été en contact avec un cas avéré. Ce système n’a nécessité à ce jour l’utilisation que d’environ 120 000 tests, ciblés sur des personnes à risque revenant de zones de pandémie ou de quartiers où a été identifié un début de transmission communautaire. Il a permis de contenir l’épidémie sans congestionner les hôpitaux et sans avoir à mener de grandes campagnes de dépistage.
La réactivité sans défaut du gouvernement vietnamien n’est pas l’unique atout du Vietnam. La croissance économique du pays en 2020 s’explique également par la haute compétitivité du pays sur les coûts, notamment dans l’industrie du textile avec un salaire minimum de 187$ là où en Chine il s’élève à 341$. De surcroît, la capitale du pays, Hanoï, multiplié les mesures pour faciliter l'installation des multinationales et de leurs usines sur le territoire, ainsi que l'arrivée des investisseurs. En allant dans le même sens, la banque centrale vietnamienne a réduit son taux d’intérêt de 6% à 4,5% et les banques nationales ont réduit leurs frais de transaction et d’émission pour les particuliers. Enfin, la croissance économique du pays s’explique aussi par la guerre commerciale opposant les États-Unis à la Chine. Pour éviter les droits actuellement perçus sur les importations chinoises, le géant américain a choisi dès 2019 d’importer massivement des marchandises en provenance du Vietnam faisant de ce dernier le pays où la croissance des importations américaines a été la plus importante en 2019.
L’économie du Vietnam bénéficie d’une dette publique limitée (seulement 53% du PIB) et d’une main-d’œuvre abondante et peu onéreuse. Par ailleurs, le Vietnam a un fort potentiel agricole et bénéficie de ressources naturelles abondantes. Alors que de nombreuses grandes puissances vont probablement payer un lourd tribut à la crise, le Vietnam avait pris toutes les bonnes décisions pour permettre à son pays de rayonner en pleine tempête internationale. Mais cela était le cas jusqu’à l’arrivée d’une nouvelle souche du virus. Le Vietnam a été fort pendant plus d’un an, mais le variant Delta l’a été encore plus, et a pris de court le pays, le faisant sombrer dans une situation déplorable depuis le début du mois de mai 2021.
II. La stratégie vietnamienne mise en échec par l'apparition du variant Delta
Le succès initial du Vietnam s’est transformé dès mai 2021 en drame. L’endiguement du virus et le faible nombre de contaminations sur le pays a procuré un idéal terrain de jeu au Variant Delta qui a pu se propager bien plus rapidement étant donné l’absence d’anticorps produits par la population vietnamienne. En outre, le grand retard de la vaccination du pays s’est révélé être fatal face à l’importante virulence du Variant Delta. Même si le pays a lancé une campagne de vaccination de masse depuis le début du mois de juillet, en priorisant les deux villes les plus touchées par le virus – Ho Chi Minh City et Hanoi – fin août 2021, seulement 1% de la population avait bénéficié d’une vaccination complète, et environ 10% avait reçu une première dose. Le Vietnam qui s’était démarqué dans la région du Sud Est Asiatique en 2020 par son incroyable gestion de la crise était désormais devenu le pays le plus en retard en termes de vaccination.
Malgré des mesures contraignantes adoptées dès le mois de mai 2021, le pays n'a pas su stopper l’épidémie. Le nombre de cas positifs a grimpé à 250K en l’espace de trois mois et les décès jusqu’alors absents, s’élevaient fin août 2021 au nombre de 4500. L’épicentre de l’épidémie se trouve à Ho Chi Minh City, la capitale économique du pays, qui a été confinée du 31 mai 2021 jusqu'à la fin Septembre 2021. La situation de la ville a été alarmante pour le pays et son économie, puisque Ho Chi Minh contribue à 27,5% des revenus du budget total de l’État. La capitale économique n’était pas pour autant complètement à l’arrêt mais les usines restées ouvertes ont ralenti drastiquement leur production avec un effectif de salariés de près de 50%.
Néanmoins, la grande résilience dont le peuple vietnamien a toujours fait preuve a permis de sauver le pays. Les citoyens d'Ho Chi Minh-Ville ont notamment su résister aux trois mois de confinement d'une sévérité extrême. Les efforts du gouvernement et de l’ensemble du pays, en collaborant unis pour faire front au variant Delta ont permis la réouverture progressive de l'économie et la reprise de la vie sociale.