L'impact de la "stratégie indopacifique" sur les relations économiques franco-asiatiques
Le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a souligné en 2019 que « l’Indopacifique s’impose de plus en plus comme l’espace stratégique du XXIe siècle », cette affirmation est corrélée à la montée en puissance de la Chine depuis les années 2000 et a été confirmée par les répercussions économiques et politiques liées à la crise du Covid-19.
Couvrant une superficie allant de la côte est africaine à la côte ouest américaine, l'Indopacifique englobe plus de 60% de la population mondiale et regroupe 17 des 20 plus grands ports mondiaux, assurant deux tiers des échanges commerciaux maritimes, en 2040, la région regroupera 75% de la population mondiale, 50% du PIB global, 75% des réserves de matières premières critiques.
La France, dotée de la deuxième plus grande zone maritime au monde et de territoires ultramarins s’étendant de la Réunion dans l’Océan Indien jusqu’en Nouvelle-Calédonie dans l’Océan Pacifique, s'affirme comme la seule puissance européenne exerçant sa souveraineté dans la région.
Accord RCEP et ses implications
Entré en vigueur le 1er janvier 2022, le RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership) est un partenariat économique global qui vise à faciliter les échanges de biens et de services en réduisant les droits de douane de 92% à court et moyen terme. Incluant des économies majeures telles que la Chine, la Corée, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, ainsi que l’ensemble des membres de l'ASEAN, ce partenariat représente aujourd’hui plus de 30% du PIB mondial.
Bien que la France et l’Union Européenne ne soient pas signataires à l’accord, ce dernier a des implications indirectes sur les relations commerciales qu’elles entretiennent avec les pays membres. Selon un rapport présenté à l'Assemblée nationale en 2022, le RCEP pourrait bénéficier aux entreprises européennes en réduisant les coûts dans leurs chaînes d'approvisionnement. Cependant, cette réduction pourrait également affecter la compétitivité des biens manufacturés au sein de l'UE. Ce partenariat s’inscrit dans la continuité d’une dynamique de déplacement du centre de gravité de l'économie mondiale vers l'Asie du Sud-Est.
Accords de libre-échange entre l'UE et les pays d'Asie du Sud-Est
La France et l'Union européenne ont également ratifié des accords de libre-échange similaires avec des pays clés de la région, notamment Singapour, l'Indonésie, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Chine, la Corée-du-Sud et le Japon. Plus récemment, un accord a été conclu avec le Vietnam, marquant le premier accord de ce type entre l'UE et une économie en développement. Des négociations sont également en cours avec la Thaïlande, la Malaisie, et Brunei.
L’UE a préféré se concentrer sur une approche bilatérale, en mettant de côté le projet d’accord interrégional avec l’ASEAN en 2019.
Investissements dans des secteurs clés
La France s'intéresse également à des projets d'investissement dans des infrastructures clés, notamment dans les secteurs des transports, de l'énergie et des technologies.
La stratégie commerciale de la France et de l’UE dans l'Indopacifique cible des secteurs spécifiques tels que les énergies renouvelables, les nouvelles technologies, l'agriculture, et le développement d’infrastructures par le biais d'organismes nationaux et internationaux. Ainsi, en mars 2021, la France a signé un nouveau partenariat de développement avec l'ASEAN, couvrant des domaines portants sur les biens publics mondiaux, la santé ou l'environnement. Le ministère confirme ainsi dans un rapport présenté en 2023 que ce nouveau cadre "mettra en valeur le rôle joué par tous les opérateurs et instituts de recherche français en Asie du Sud-Est, à commencer par l’AFD."
Ces investissements peuvent prendre la forme de partenariats public-privé ou d'initiatives conjointes avec des pays de la région et portent sur des secteurs considérés comme ayant un potentiel de croissance significatif tout en étant alignés avec les objectifs de développement durable promus à l’échelle nationale et communautaire.
L'ASEAN s'affirme donc comme le centre du volet économique de la stratégie indopacifique de la France, appuyé par l'Union Européenne dans sa "stratégie d'interconnectivité avec l'Asie". Cette orientation stratégique s'aligne avec les objectifs de diversification des partenariats économiques de la France et de l'UE dans la région, tout en contribuant à « l'architecture d'une Asie multipolaire et d'un espace indopacifique inclusif ». Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères souligne ainsi que désormais, la France, de concert avec les institutions européennes vise à optimiser sa stratégie en renforçant ses relations commerciales bilatérales avec des pays membres de l'ASEAN avec qui elle partage des intérêts économiques et stratégiques similaires.
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