Étude comparative : La gestion de la crise sanitaire en France et au Vietnam - Approches constitutionnelles et pratiques comparées
Étude comparative de la gestion et la pratique constitutionnelle de la crise sanitaire en France et au Vietnam
I. Introduction :
La pandémie de COVID-19 a marqué l'histoire de l'humanité en tant que l'une des crises sanitaires les plus dévastatrices jamais connues, se répandant à une vitesse fulgurante dans le monde entier, de janvier 2020 à nos jours. Cette étude lumineuse se propose d'explorer minutieusement la gestion et la pratique constitutionnelle de la crise sanitaire en France et au Vietnam. Dans cette optique, il est essentiel de présenter brièvement les contextes sanitaires respectifs de ces deux pays.
A. Contexte sanitaire remarquable en France :
En France, l'épidémie de COVID-19 s'est propagée avec une intensité dévorante au début de l'année 2020, évoluant par vagues successives en fonction des mesures restrictives telles que les confinements (mars-mai 2020, octobre-décembre 2020, avril-mai 2021), les couvre-feux, les fermetures d'établissements et les réouvertures, ainsi que les campagnes de vaccination. Cinq vagues marquantes ont été enregistrées entre mars 2020 et fin 2021, caractérisées par un afflux massif de patients dans les hôpitaux et les services de soins intensifs.
La cinquième vague redoutable de l'épidémie de COVID-19 a débuté au commencement de novembre 2021. Actuellement, 77,5 % des Français possèdent un schéma vaccinal complet, et environ 300 000 nouveaux cas de coronavirus sont recensés quotidiennement. Face à ce contexte alarmant, le gouvernement mise sur une campagne de rappel vaccinal. Tous les adultes sont invités à recevoir une 3e dose, qui conditionnera l'accès au pass sanitaire à partir du 15 janvier 2022.
B. Contexte sanitaire exceptionnel au Vietnam :
Jusqu'au début du printemps 2021, le Vietnam se distinguait par sa résilience exceptionnelle face à l'épidémie de COVID-19, parmi les meilleures au monde. En mai 2021, le pays avait enregistré, sur une période de 17 mois, moins de 4 000 infections et "seulement" 35 décès liés au coronavirus, au sein d'une population de 96 millions d'habitants. Alors que les principales économies mondiales et ses partenaires commerciaux étaient frappés de plein fouet, le Vietnam parvenait à générer une croissance de 2,9 % en 2020. Cependant, touché par le variant Delta, le pays a dû faire face à une explosion des infections à partir de l'été 2021.
En août 2021, lorsque le nombre de nouveaux cas quotidiens dépassait en moyenne les 10 000 et que les taux d'hospitalisation en hausse mettaient à rude épreuve un système de santé déjà fragilisé, le poumon économique du pays - Ho Chi Minh-Ville - et la capitale, Hanoï, se sont retrouvés en état d'urgence. Le gouvernement a alors pris la décision audacieuse de déployer l'armée dans le sud du pays pour faire respecter une loi quasi martiale.
II. Les organes éminents compétents pour la gestion de la crise :
A. En France, le théâtre de la compétence législative :
Selon l'article 34 de la Constitution, le législateur est l'acteur principal dès lors qu'il s'agit de déterminer les garanties fondamentales et les libertés exercées par les citoyens. En temps de crise, il détient ainsi la capacité de prendre les mesures adéquates pour y mettre un terme.
Cependant, en ces temps tumultueux, il est impératif d'agir avec célérité, et le processus législatif peut se révéler insatisfaisant de par sa longueur, impliquant le dépôt du texte, son examen par le Parlement composé du Sénat et de l'Assemblée Nationale, et sa promulgation par le Président, potentiellement accompagnée d'un examen de conformité du Conseil Constitutionnel.
Afin de remédier à cette situation, la loi d'urgence du 23 mars 2020 a insufflé, dans le code de la santé publique, la possibilité d'instaurer un état d'urgence sanitaire. Cette mesure exceptionnelle peut être décidée en cas de catastrophe sanitaire, notamment d'épidémie, mettant en péril la santé de la population.
L'état d'urgence sanitaire est déclaré la première fois par décret en conseil des ministres sur le rapport du ministre chargé de la santé pour une durée maximale d'un mois. Au-delà d'un mois, sa prorogation doit être autorisée par la loi. La loi de prorogation fixe la durée de l'état d'urgence sanitaire. Un décret pris en conseil des ministres peut y mettre fin avant l'expiration du délai fixé par la loi.
Cet état d'exception autorise le Premier ministre à prendre par décret diverses mesures limitant la liberté des individus ainsi que des mesures permettant de réquisitionner tout bien ou service nécessaire à la lutte contre l'épidémie. Ainsi, contrairement à ce dont dispose l'article 34 de la constitution, qui voudrait que “les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire”, ce régime permet de prendre des mesures réglementaires dont le contenu devrait en principe empiéter sur le pouvoir législatif.Ces mesures doivent néanmoins être proportionnées aux risques encourus.
Enfin, ce régime autorise le ministre chargé de la santé à prescrire par arrêté motivé toutes les autres mesures qui s'inscrivent dans le cadre défini par le Premier ministre.
B. Au Vietnam, la scène constitutionnelle :
Au Vietnam, en théorie, l'état d'urgence est proclamé lorsque, dans l'ensemble du pays ou dans un certain nombre de localités, il y a une catastrophe grave causée, naturellement ou par l'homme, notamment “une épidémie dangereuse qui se propage à grande échelle, menaçant gravement les biens de l'État et des organisations, la vie des gens, la santé et les biens de la population” selon l’article 1 de l'Ordonnance sur l'état d'urgence.
Selon la Constitution vietnamienne, la proclamation et la fin de l'état d'urgence sont décidées par le Comité permanent de l'Assemblée nationale (art 74 al.10 de la Constitution).
L'Assemblée nationale du Vietnam peut adopter des lois dans le cadre d'une procédure abrégée (art 144 al.1 de la Loi sur la promulgation des documents juridiques normatifs). Le Parlement et les autres autorités peuvent généralement suspendre ou restreindre certains droits constitutionnels.
Pour faire face à l’épidémie, les pouvoirs publics ont, lors de la réunion du Comité permanent du gouvernement du 31 mars 2020, déclaré la présence d’une épidémie sur le territoire sans officiellement annoncer l’état d’urgence.
En août 2021, la situation au Vietnam était si grave qu'une Assemblée nationale fraîchement élue a dû prendre une mesure sans précédent en accordant au Premier ministre un pouvoir d'habilitation de 18 mois. Cette proposition législative n’a pourtant aucun fondement constitutionnel.
Cette loi d'habilitation permet au Premier ministre de "décider et d'appliquer" des mesures qui dépassent son autorité constitutionnelle, sont contraires à la loi ou vont au-delà de la loi, avec un contrôle nominal de la Commission permanente de l'Assemblée nationale ("CPAN").
III. Mesures magistrales face à l'urgence sanitaire :
A. En France
Considérant l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946, l'État se voit investi d'une obligation solennelle de protéger la santé publique. Cette responsabilité se précise en vertu de l'article L1411-1 du Code de la Santé Publique, qui définit l'ampleur de la politique de santé publique menée par l'État. La lutte contre les épidémies y tient une place cruciale, obligeant ainsi le gouvernement français à adopter une série de mesures coercitives pour endiguer la propagation du virus.
Ces mesures peuvent être permanentes, à l'instar des obligations vaccinales, ou exceptionnelles et temporaires.
Dans un premier temps, un arrêté du 14 mars 2020, émanant du ministre des Solidarités et de la Santé, décrète que pour freiner la propagation du virus Covid-19, tout rassemblement, réunion ou activité réunissant simultanément plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert, est interdit sur le territoire de la République jusqu'au 15 avril 2020.
Par la suite, le décret du 16 mars 2020 stipule qu'« afin de prévenir la propagation du virus Covid-19, est interdit jusqu'au 31 mars 2020 le déplacement de toute personne hors de son domicile à l'exception des déplacements [pour des motifs strictement délimités], dans le respect des mesures générales de prévention de la propagation du virus et en évitant tout regroupement de personnes ». Le lendemain, un décret instaure une contravention de 4e classe en cas de non-respect de cette disposition.
Jusque-là, les mesures prises relevaient exclusivement du gouvernement. Toutefois, en parallèle, un projet de loi est engagé en conseil des ministres visant à décréter l'état d'urgence sanitaire. Celui-ci sera promulgué par la loi du 23 mars 2020. Un régime d'état d'urgence vise à renforcer les pouvoirs des autorités civiles et à restreindre certaines libertés publiques ou individuelles. En l'occurrence, le régime d'état d'urgence sanitaire confère au Premier ministre le pouvoir de prendre des mesures générales limitant la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion, ainsi que de réquisitionner tous les biens et services nécessaires pour lutter contre la menace sanitaire.
Le ministre chargé de la santé se voit également doté de pouvoirs considérables, tels que la possibilité de prendre par décret des mesures de mise en quarantaine ou des mesures réglementaires ou individuelles relatives à l'organisation ou au fonctionnement du système de santé. Ces pouvoirs trouvent leur fondement juridique dans l'article L3131-1 du Code de la Santé Publique, qui constitue une exception à la règle selon laquelle les ministres n'ont en principe pas de pouvoir réglementaire général, sauf en tant que chef de service pour l'organisation du bon fonctionnement de leur administration ou si un texte leur attribue ce pouvoir.
L'établissement de cet état d'urgence sanitaire a conféré une assise légale à de nombreux confinements et couvre-feux ultérieurs tout au long des années 2020 et 2021. Cependant, bien que ces mesures aient un intérêt légitime justifiant le sacrifice de certaines libertés, il n'en demeure pas moins que certaines d'entre elles frôlent l'inconstitutionnalité. De plus, les débats autour de ces mesures, notamment le pass sanitaire, ont engendré une fracture sociale indéniable.
B. Au Vietnam
Face à la quatrième vague de l'épidémie, le gouvernement vietnamien a déployé deux directives majeures, faisant preuve d'une détermination implacable :
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La Directive 15 : instaurant une distanciation sociale rigoureuse, suspendant les événements sociaux, prohibant les rassemblements de plus de 20 personnes, fermant les écoles et imposant une distance minimale de deux mètres entre les individus dans les espaces publics.
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La Directive 16 : exigeant la fermeture des entreprises non essentielles, interdisant formellement les rassemblements publics, établissant une politique sévère de confinement à domicile et restreignant drastiquement les services de transport.
Les autorités vietnamiennes ont également concentré leurs efforts sur la préservation des activités de production industrielle. Dès juin 2021, elles ont proposé aux entreprises industrielles de mettre en œuvre les modèles suivants, condition sine qua non pour continuer à fonctionner :
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Le modèle du "3T" ou "trois sur place", dans lequel les employés doivent travailler, se nourrir et dormir au sein même de l'usine.
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Ou le modèle du "Un itinéraire, deux destinations", dans lequel le transport doit être organisé de manière à ce que les employés n'empruntent qu'un unique trajet entre le lieu de travail et un hébergement centralisé (tel qu'un hôtel ou un dortoir).
Début octobre 2021, le confinement draconien imposé par la directive 16 a pris fin, laissant place à de nouvelles séries de mesures, telles que la règle des 5K : porter le masque en permanence, respecter une distance de sécurité, se désinfecter régulièrement, éviter les rassemblements et déclarer sa santé lors de l'accès aux lieux publics.
Par ailleurs, les tests antigéniques se sont généralisés et sont requis pour voyager d'une province à l'autre. Un "green pass", équivalent du pass sanitaire, est également indispensable pour accéder à la majorité des espaces publics.
Bien que ces mesures de prévention puissent paraître "classiques" en comparaison de celles d'autres nations, un problème majeur a frappé le Vietnam durant cette quatrième vague : l'abondance, la confusion et l'instabilité des règles. Alors que l'article 46 de la Constitution stipule que "tout citoyen a le devoir d'obéir à la Constitution et à la loi", une telle obligation constitutionnelle devient inapplicable lorsque la loi se révèle obscure.
La gestion de la crise par les pouvoirs publics a ainsi conduit à une véritable épreuve des droits et libertés fondamentales, pourtant garantis constitutionnellement dans les deux pays. Certes, la mise en œuvre des mesures de prévention et de contrôle par les gouvernements français et vietnamien a permis de lutter contre la propagation du virus et d'assurer la sécurité sanitaire des populations. Néanmoins, l'équilibre délicat entre la protection de la santé publique et le respect des droits et libertés individuels a été mis à rude épreuve.
Dans les deux pays, les mesures prises ont suscité des débats passionnés sur la proportionnalité des restrictions imposées et sur les conséquences potentiellement disproportionnées pour certains groupes de la population.
V. Les droits et libertés fondamentales, mis à l'épreuve par les mesures :
A. En France
Dans l'adversité d'une crise, la balance entre l'exercice du pouvoir et le respect des libertés se révèle toujours délicate. La France, en proie à cette lutte, n'échappe pas à cette réalité.
Les confinements successifs et les couvre-feux ont porté atteinte à la liberté d'aller et venir. La fermeture de certains commerces a engendré des inégalités et ébranlé la liberté d'entreprendre. La liberté de réunion s'est trouvée restreinte par les limitations imposées. L'incitation à la vaccination empiète sur la liberté de choix, tandis que le pass sanitaire, incarnation d'une politique de dépistage et d'enquête sanitaire, menace plusieurs libertés, notamment celle du respect de la vie privée et du secret médical.
Cependant, des circonstances exceptionnelles exigent des mesures exceptionnelles. Toute loi peut potentiellement mettre en péril des enjeux constitutionnels, la question étant de déceler un autre enjeu constitutionnel pouvant la justifier, en l'occurrence ici, la protection de la santé publique.
Le droit français, à travers l'article L. 3131-1, prévoit qu'en cas de menace sanitaire grave nécessitant des mesures d'urgence, notamment en cas d'épidémie, le ministre chargé de la Santé peut, par arrêté motivé, prescrire toute mesure proportionnée aux risques encourus et adaptée aux circonstances de temps et de lieu, afin de prévenir et limiter les conséquences des menaces sur la santé de la population.
Au niveau international, l'article 15 de la Convention européenne des Droits de l'Homme autorise les gouvernements des États parties, dans des circonstances exceptionnelles, à déroger temporairement, de manière limitée et contrôlée, à certains droits et libertés garantis par la Convention.
Il apparaît donc possible, dans le contexte de la lutte contre l'épidémie, d'adopter des mesures contraires à certaines libertés, puisque de telles crises nécessitent une série d'actions adaptées et surtout rapides.
Néanmoins, ces mesures demeurent encadrées puisqu'elles doivent être proportionnées, appropriées au lieu et au temps, c'est-à-dire qu'elles doivent cesser dès qu'elles ne sont plus nécessaires. Le pouvoir peut ainsi être confié à un nombre restreint d'individus lorsque la situation l'exige. Toutefois, il est rassurant de savoir que, dans un État de droit, des organismes indépendants veillent à ce que ces mesures soient effectivement proportionnées.
B. Au Vietnam
Au cœur de la crise sanitaire, le Vietnam a invoqué l'article 14, alinéa 2 de sa Constitution, permettant la dérogation des droits et libertés fondamentales pour des raisons de "défense nationale, de sécurité nationale, d'ordre et de sécurité sociale, de moralité sociale et de bien-être de la communauté". Ainsi, la liberté d'aller et venir, garantie par l'article 23 de la Constitution, s'est trouvée entravée par les diverses directives gouvernementales. Le confinement et les règles restrictives de déplacement entre les provinces ont fortement limité cette liberté, sans oublier la fermeture stricte des frontières vietnamiennes depuis le début de l'épidémie.
Cependant, l'on peut affirmer sans ambages que les mesures restreignant la liberté de circulation au Vietnam, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, demeurent raisonnables et conformes à la légalité, la nécessité et la proportionnalité stipulées dans les Principes de Syracuse sur les dispositions de limitation et de dérogation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, signé et ratifié par le Vietnam en 1982.
Par ailleurs, l'instauration d'une déclaration de santé et d'un "green pass" touche directement au droit au respect de la vie privée, consacré par l'article 21 de la Constitution de 2013.
De surcroît, les mesures restrictives du gouvernement ont également affecté la liberté fondamentale de religion, protégée par l'article 24 de la Constitution. En effet, la directive 16, adoptée par le Premier ministre, prévoyait la fermeture des lieux jugés "non essentiels", excluant ainsi les pratiques religieuses publiques et les rassemblements y afférents. Si la nécessité d'une telle restriction d'une liberté fondamentale se conçoit aisément pour permettre le contrôle de l'épidémie, la légitimité du gouvernement à déterminer ce qui est indispensable ou non l'est moins. La fermeture des lieux de culte a été délicatement appréhendée par le peuple vietnamien, en grande majorité fervent croyant. Ainsi, la restriction des libertés fondamentales, bien que nécessaire, a engendré des conséquences politiques considérables au sein des deux pays, dont l'étude s'avère indispensable.
V. Les conséquences constitutionnelles de la crise sanitaire
A. En France
Selon le Conseil d'Etat, un régime d'exception doit demeurer temporaire, sa vocation étant de résoudre uniquement la crise en cours. C'est pourquoi tous les régimes d'exception sont encadrés légalement, fixant leur durée, les modalités de reconduction et la fin de leur application. L'article 16 de la Constitution, qui accorde les pleins pouvoirs au Président de la République lorsque les conditions d'application sont réunies, en est un exemple parfait.
Lorsqu'un état d'urgence est prolongé, il nuit particulièrement aux libertés individuelles et à l'État de droit. De même, les mesures adoptées pendant un régime d'exception ne doivent pas perdurer dans le droit commun une fois celui-ci levé. Pourtant, on observe qu'après l'état d'urgence de 2015, des textes tels que la loi renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure de 2017 sont restés en vigueur. Cette pérennité s'explique en partie par la perception persistante de la menace par les citoyens, justifiant des prorogations répétées ou l'intégration de certaines dispositions dans le droit positif. De nombreux juristes craignent que certaines mesures restrictives soient transposées dans le droit positif à la suite de l'épidémie, ou encore qu'à l'avenir il soit plus facile de tolérer de telles mesures.
B. Au Vietnam
Malgré le succès de la Directive 16, plusieurs juristes se sont inquiétés du fait que les mesures prévues par cette directive dépassaient l'autorité d'un Premier ministre. En effet, la Constitution réserve exclusivement au Président le pouvoir de fermer les frontières et de suspendre les divertissements publics et les transports dans le cadre d'une situation d'urgence formelle, qui doit être approuvée par le CPAN ou l'Assemblée nationale.
Le Premier ministre pourrait désormais déployer des mesures aussi strictes que celles disponibles uniquement dans le cadre d'une situation d'urgence formelle, que la Constitution accorde exclusivement au Président, sans aucun souci de révision constitutionnelle ou de contrôle par l'Assemblée nationale.
Bien qu'il s'agisse en théorie d'une mesure juridique sans précédent, la réalité est que le Premier ministre (et son prédécesseur) a toujours joui de tels pouvoirs depuis mars 2020, lorsque le premier cas de COVID-19 est apparu au Vietnam. Le succès de l'endiguement du virus au Vietnam est attribuable à une Directive 16 de l'ancien Premier ministre, efficace mais problématique d'un point de vue constitutionnel. Certains juristes redoutent la montée d'un Premier ministre trop puissant, qui viendrait rompre l'équilibre et la hiérarchie des pouvoirs publics, mettant ainsi en péril les fondements de la démocratie et de l'État de droit.
VI. Conclusion
Lorsqu'on se penche sur la gestion constitutionnelle de la crise sanitaire en France et au Vietnam, il est intéressant de noter que le bilan est assez similaire. Toutefois, une différence majeure réside dans les valeurs fondamentales des deux pays. Alors que le peuple vietnamien place l'intérêt de la patrie et du collectif au-dessus de tout, le peuple français a tendance à être plus individualiste, comme en témoigne l'article 15 alinéa 4 de la Constitution vietnamienne qui stipule que "l'exercice des droits de l'homme et du citoyen ne peut porter atteinte aux intérêts nationaux et aux droits et intérêts légitimes d'autrui".
Les Vietnamiens se sont rapidement conformés aux mesures prises par leur gouvernement, faisant preuve de civilité et d'un sens aigu de la défense collective de leur nation. Le Vietnam a également rapidement rattrapé son retard en matière de vaccination, grâce à un peuple discipliné qui facilite la mise en œuvre des mesures gouvernementales de prévention sanitaire.
En revanche, la France est confrontée à un peuple très méfiant à l'égard des acteurs politiques, avec un pourcentage non négligeable de personnes qui diffusent des fake news sur la vaccination, aggravant ainsi la situation sociale et politique de la nation. Cette méfiance à l'égard des autorités publiques et des décisions qu'elles prennent a rendu la gestion de la crise sanitaire plus complexe en France.
Il est donc intéressant de constater que, malgré des bilans similaires, les différences culturelles et politiques entre les deux pays ont joué un rôle important dans leur gestion respective de la crise sanitaire.
Alexandre GERMOUTY
Président de l'AJAI de 2021 à 2022